L'ananas est originaire d'Amérique tropicale, probablement du Parana-Paraguay. « Les premières descriptions et figures de l’Ananas paraissent avoir été données par Oviedo, en 1535. Las Casas, qui atteignit le nouveau monde en 1502, parle de la découverte par Colomb, à Porto Bello, du délicieux Ananas » (…) Jean de Léry dans son ‘Voyage au Brésil’, en 1578 dit de l’Ananas que les dieux pourraient en vivre luxueusement, et qu’il ne devrait être cueilli que par la main de Vénus » (Bois, 1996). Pas étonnant que la culture de l’ananas ait ensuite connu très rapidement un grand développement dans les régions voisines des Tropiques du Cancer et du Capricorne… Cette espèce est aujourd’hui dans de nombreux pays l'une des toutes premières cultures fruitières à vocation commerciale. Environ 13 millions de tonnes sont produites à travers le monde (dont 5 pays seulement : la Thaïlande, les Philippines, la Chine, l’Inde et le Brésil reproduisent à eux seuls plus de la moitié). Frais ou transformés, près de deux ananas sur cinq produits font l’objet d’échanges commerciaux ; les conserves et les jus représentent près de 80 % de ces derniers. C’est une filière de production très dynamique.
L'ananas se multiplie par voie végétative, c'est à dire par rejets. Cette espèce produit rarement naturellement des graines car son fruit se développe par parthénocarpie (se dit d’un ‘fruit’ qui se développe sans fécondation). Cependant, des croisements, volontaires ou non, peuvent avoir lieu (notamment lorsque plusieurs variétés sont plantées ensemble) il en résulte une production de petites graines marrons dans le fruit. Ces dernières sont réservées à la création variétale. Lorsqu’une variété est créée une phase d’amplification végétative in vitro est souvent réalisée, ce moyen de multiplication est aussi utilisé pour notamment diffuser du matériel végétal d’un pays à l’autre (risque sanitaire plus réduit). Les variétés sont donc très nombreuses (voir l’encadré ‘Une collection d’ananas unique au monde’). L’ananas ‘Cayenne Lisse’ est le plus cultivé, sa forme et ses dimensions font que ce fruit se prête facilement à la transformation (conserve). Originaire du Venezuela, il a été multiplié et cultivé à Cayenne dont il gardera le nom. Ses fruits sont gros (1,5 à 4 kg) et sa couronne sans épine. L’ananas ‘Bouteille’ est une variété à forme allongée et conique originaire de Guadeloupe. Le fruit mûrit de bas en haut, sa chair est ferme et très sucrée. La couronne est épineuse. A la Réunion, l’ananas ‘Queen Victoria’ est le plus cultivé bien que les fruits de cette variété soient les plus petits. De couleur jaune-or à maturité, l'ananas Victoria est sans conteste un des fruits les plus estimés à la Réunion. Ce succès l’a rendu populaire, il est aujourd’hui cultivé en Afrique du Sud, à l’île Maurice ou encore en Guadeloupe. Depuis quelques années, le marché de l’ananas en frais est très actif notamment grâce à sa segmentation, des nouvelles variétés (toutes les unes plus sucrées que les autres !) s’y positionnent comme par exemple le MD-2 de Del Monte ou plus localement, dans les départements français d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique et Réunion), le Flhoran41 (‘ananas rouge’), une création du Cirad.
« La culture de l’ananas commença à être pratiquée en Europe vers le milieu du XVIIIe siècle. M. Le Court, riche négociant, possédait dans sa propriété des environs de Leyde (Hollande), des serres à primeurs dans lesquelles il récoltait en 1737, des Ananas, d’après un procédé de culture que Miller a décrit longuement dans son dictionnaire des Jardiniers ». Ces premières acclimatations seront réitérées vers 1730 dans le potager du Roi, à Versailles grâce à deux œilletons reçu d’Amérique par le Roi Louis XV. Après quelques phases de multiplication pour sauver l’introduction, « deux fruits d’une beauté qui attira bien des curieux » seront obtenus. Le roi lui-même « les goutta et les déclara comme très bon (…) d’une chair douce et extrêmement fondante, relevée par une pointe d’acidité, et accompagnée d’un parfum plus agréable que celui de la fraise ». Tout était dit ! La culture de l’ananas se développera dès lors dans de nombreuses villes d’Europe, sous des serres ou abris pouvant garantir des températures de l’ordre de 25°C, été comme hiver. Les développements conjoints des modes de transport efficaces entre les pays tropicaux (zone de culture naturelle) et de conservation des fruits auront ensuite raison de ces productions provenant de ces lieux artificiels de culture. Aujourd’hui, l’ananas est principalement cultivé dans les régions tropicales et subtropicales (entre 25° Nord et Sud). Néanmoins, il se prête plus facilement à une culture intensive dans les écologies humides. Ses besoins en eau sont d'environ 1200 à 1500 mm bien répartis tout au long de l'année. Son système racinaire étant fragile, l'ananas exige des terres meubles, légères et bien aérées. La préparation du terrain doit être extrêmement soignée car l’horizon de sol exploré par les racines de l’ananas doit être meuble. C’est une des raisons pour laquelle l’ananas est planté sur billon. En culture intensive, les densités de plantation varient selon les variétés de 45.000 plants/ha pour le 'Bouteille' à 66.000 pour le 'Cayenne Lisse' ou le 'MD-2' et même 100.000 pour le 'Queen victoria'. Cette espèce est naturellement une plante rustique, cependant un ananas sous alimenté en eau et en fertilisant portera des petits fruits. De ce fait, la concurrence racinaire liée à des herbes à proximité du pied d’ananas peut avoir des effets importants sur les rendements. Le producteur devra lutter en permanence contre ces adventices. Quelques maladies affectent également l’ananas, à noter le Wilt (un complexe viral transmis par des cochenilles du genre Dysmicoccus spp.), une maladie bactérienne (Erwinia chrysanthemi) ou encore la maladie des taches noires causée par des champignons pathogènes (Fusarium moniliforme et Penicillium funiculosum). Les ravageurs ne lui sont pas spécifiques mais peuvent causer de graves dommages comme les cochenilles qui affaiblissent le plant par leurs piqûres ou encore les symphyles qui en mangent les racines. D'une manière naturelle, l'ananas produit ses fruits de juin à août aux Antilles. Cependant, les techniques de production actuelles permettent, grâce à une induction artificielle de la floraison, de produire des fruits tout au long de l'année. La date de récolte est très étroitement liée à la somme de température enregistrée depuis l'induction florale. En se basant sur ce principe, le Cirad a développé un logiciel de gestion de la culture de l'ananas (AnaGmaX). À partir des températures enregistrées et des caractéristiques de la parcelle AnaGmaX calcule les dates clefs du cycle : date probable du traitement d'induction florale, date de floraison et de récolte. Ensuite, en se basant sur un itinéraire technique de référence, AnaGmaX l'adapte au cycle prévisionnel de la parcelle, quelle que soit la zone de production et la longueur du cycle, qui peut varier de 11 à 18 mois selon les zones de culture. Le calendrier des interventions est reprécisé en permanence, au fur et à mesure de la saisie de nouvelles données de températures. Une donnée très importante fournie par AnaGmaX est la prévision des dates de récolte à 1 ou 2 jours près, ce qui permet i) de planifier les récoltes tant au niveau individuel qu'au niveau d'un groupement de producteurs et ii) de savoir à tout moment où se trouvent les fruits à récolter et en quelle quantité. AnaGmaX permet en outre de piloter la production ‘par l'aval’ : c'est-à-dire qu'en indiquant une période de production souhaitée et un tonnage dans une zone donnée, le logiciel indique les surfaces à planter et les dates de plantations souhaitables. AnaGmaX est un véritable outil d’aide à la décision adapté aussi bien aux petites qu’aux grandes exploitations.
La chair sucrée et parfumée de l’ananas en fait un fruit très estimé, certaines variétés le sont plus que d’autres : on distingue donc des variétés dites de bouche (‘Queen Victoria’, ‘Bouteille’ MD2…) de celles plus adaptées à la transformation (‘Cayenne Lisse’ principalement). Cela dit, un fruit de ‘Cayenne Lisse’ amené à maturité sur le pied est loin d’être aussi insipide que ce que l’on trouve communément sur le marché. L’industrie internationale des conserves d’ananas est naturellement basée à proximité des grands centres de production : en Asie, Sumatra, Brésil… Ce mode de transformation/consommation est apparu à la fin du 19ième siècle (à Hawaï et à Singapour) et a largement contribué à la valorisation de l’ananas à travers le monde. Riche en vitamines C, A et B1, l'ananas contient également de nombreux minéraux. Outre de nombreuses vertus médicinales, il facilite la digestion grâce à la broméline qu'il renferme. Dans Le plantes et les légumes d’Haïti qui guérissent, les auteurs écrivent qu’ « il (l’ananas) est en outre dans le peuple, le contrepoison de tous les empoisonnements causés par l’alimentation, poissons, viandes, crustacées, etc. Le fruit demi-mûr est diurétique et vermifuge ; mûr il est laxatif ».
Fiche rédigée par Fabrice Le Bellec et Patrick Fournier
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Article original paru dans Les Antilles Agricole n°27 - 2012 - 52 Morne Ninine - 97129 Gosier - Guadeloupe
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