Le premier écrit concernant l’anacardier (Anacardium occidentale L.) nous vient de l’explorateur et écrivain-géographe français André Thevet (1516-1590) dans ‘Les singularitez de la France antarctique, autrement nommé Amérique…’ (1557) un des récits fondateurs de l’ethnographie américaine1. « Le pays, rapporte t-il, est au surplus trop meilleur (…) car il porte des fruits en abondance, herbes et racines cordiales, avec une quantité d’arbres qu’ils nomment ‘acaïous’, portant fruits gros comme le poing, en forme d’œuf d’oie. (…) Au bout de ce fruit vient une espèce de noix, grosse comme un marron, en forme de rognon de lièvre. Quant au noyau qui est dedans, il est très bon à manger, pourvu qu’il ait passé légèrement par le feu (…). » Le dessin qui illustre ce texte (ci-contre) reproduit très exactement le fruit, le port de l’arbre… Doit-on à ces quelques lignes l’origine du nom donné à cet arbre aux Antilles : Acajou ? Beaucoup plus tard, Wilson Popenoe (1920) écrira : « Les brésiliens sont les seuls à apprécier pleinement la noix de cajou. L’arbre est source de nourriture et de remèdes médicinaux pour les pauvres, une friandise pour les tables richement servies, et produit de la résine et du bois de bonne qualité pour les usages industriels (…) ». Entre ces deux écrits… l’anacardier s’est très vite répandu à travers le monde tropical compte tenu de ses qualités, il faut bien avouer que peu d’arbres portent à la fois des ‘pommes’ et des ‘noix’ comestibles ! Pour être plus juste, la pomme n’en ait pas vraiment une car il s’agit en fait du pédoncule du fruit qui s’est transformé en une ‘pomme’ charnue et juteuse. Le vrai fruit, au sens botanique, est quant à lui un fruit sec, la noix de cajou.
La production annuelle est aujourd’hui estimée à près d’1 million de tonnes. Cet arbre est cultivé à plus ou moins grande échelle dans de nombreux pays mais surtout en Inde avec une production annuelle estimée à 300 000 t de noix brutes (en 1928, Désiré Bois rapportait des volumes produits de l’ordre de seulement 15.000 t!), le Brésil (200.000 t), le Vietnam (130.000 t), l’Afrique de l’Est (100.000 t) et l’Afrique de l’Ouest (150.000 t). Les pays africains exportent une grande partie de leurs productions sous forme de noix brutes vers l’Asie où le décorticage est réalisé.
Si la noix de cajou est aujourd’hui très réputée, sa pomme l'est un peu moins. La pulpe de cette dernière est pourtant désaltérante et gorgée d'un jus aromatique, acidulé, légèrement âpre et riche en vitamine C. Elle est mangée fraîche, séchée, en compote ou transformé en alcool. A la Désirade, la pomme confite dans un sirop de sucre est une spécialité : le pruneau Désirade. Depuis quelques années, la société ‘La fabrique de Douceurs’ de Sainte Rose (Guadeloupe, voir les Antilles Agricole n°19) fait aussi de cette pomme un fruit confis de grande qualité. La noix est quant à elle utilisée de multiples manières : grillée et salée, seule ou en mélange, elle entre dans la composition de confiseries, pâtisseries, plats cuisinés, beurre d’anacarde… Cependant, avant d'être cuite pour sa consommation, la noix de cajou doit être débarrassée de sa paroi vésicante qui peut provoquer de graves brûlures. Désiré Bois disait en 1928, « il est préférable de faire griller légèrement la noix sous la cendre avant de l’utiliser, on reconnaît qu’elle est à point, lorsque l’huile essentielle cesse de s’échapper et de s’enflammer en produisant une sorte de petit feu d’artifice que Linné appelait ignis lusorius ». Dans leur livre ‘les plantes et légumes d’Haïti qui guérissent, Brutus et Pierre-Noël (1960), rapporte de nombreuses utilisations médicinales de la pomme ou de la noix : « contre les vomissements incoercibles de la grossesse, il est recommandé à la future mère, de mâcher à la bouche, un morceau de fruit mûr (…) le malaise disparaît. (…) Contre les verrues, cors et durillons aux pieds, frottez ces points pour y laisser une couche du liquide caustique de la coque, qui, à la longue les détruit totalement. (…) ». Le suc de cette paroi appelé ‘baume cajou’ renferme en effet de l'acide anacardique et outre cette utilisation médicinale ancienne, il est utilisé aujourd’hui dans l’industrie, notamment dans la fabrication d’éléments de friction du type freins ou embrayages ou comme isolant thermique (plus connu sous l’abbreviation CNSL : cahew nut shell liquid).
Fiche rédigée par Fabrice Le Bellec - http://agents.cirad.fr/index.php/Fabrice+LE+BELLEC
Visitez le site de l'unité de recherche HortSys : http://ur-hortsys.cirad.fr/
Article original paru dans Les Antilles Agricole n°24 - 2011 - 52 Morne Ninine - 97129 Gosier - Guadeloupe
© CIRAD 2008 - Informations légales - Contact : Centre Cirad Vieux-Habitants