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Ce document est traduit et extrait d'une revue bibliographique : LE BELLEC F. VAILLANT F. et IMBERT E ., 2006. – Pitahaya (genus Hylocereus ) : A new fruit crop, a market with a future. Fruits , 61 (4) EDP Sciences , pages 237-250.
Les pitayas appartiennent à la famille botanique des Cactaceæ et au genre Hylocereus , lequel genre est caractérisé par des plantes lianoïdes, à racines aériennes et portant des baies glabres à écailles foliacées. Les Cactaceæ (ordre des Caryophyllales) comprennent entre 120 et 200 genres différents lesquels regroupent entre 1500 et 2000 espèces, exclusives des régions semi-désertiques tempérées chaudes et tropicales de l’Amérique. Appréciées pour leur valeur ornementale, les Cactaceæ comportent également de nombreuses espèces cultivées, près de 250 espèces comme plantes fruitières ou « industrielles ». Cependant, peu d’entre-elles ont une importance économique. Le genre Opuntia Mill. est probablement le plus cultivé pour son fruit (la figue de barbarie ou tuna) et comme hôte de Dactylopius coccus O. Costa, la cochenille de laquelle est extrait le carmin. Cette dernière est également élevée sur Nopalea cochenillifera (L.) Salm-Dyck. En Amérique Latine, de nombreuses espèces cultivées ou de cueillettes portent le nom de pitaya, ce nom générique vernaculaire contribuant à la difficulté de classification botanique de ces dernières. Toutes ces pitayas sont cependant regroupées dans quatre principaux genres : Stenocereus Britton & Rose, Cereus Mill., Selenicereus (A.Berger) Riccob. et Hylocereus Britton & Rose. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux espèces de ce dernier genre.Il existe de nombreuses contradictions quant à la classification botanique des Hylocereus probablement expliquées par des caractéristiques morphologiques similaires et/ou influencées par des conditions environnementales. Nous adopterons dans ce document la classification de Britton et Rose mais tiendrons également compte des résultats récents d’analyse génétique. Ainsi, sont dénombrées 16 espèces d’ Hylocereus , toutes ont une vocation ornementale grâce à la beauté de leurs grandes fleurs (Ø 15-25 cm), nocturnes et aux pétales blanc-crème (sauf H. stenopterus et H. extensus dont les pétales sont rougeâtres ou rosés). Même si, potentiellement, toutes ces espèces peuvent porter des fruits, finalement, seulement quelques-unes d’entre-elles sont cultivées à des fins de production fruitière ; notre étude portera exclusivement sur ces dernières.
Hylocereus
sont principalement originaires d’Amérique Latine, (probablement du Mexique et de la Colombie), d’autres seraient natives des Petites Antilles. Leur distribution est aujourd’hui mondiale (monde tropical et subtropical), mais H. undatus
est l’espèce la plus cosmopolite. Dans leur aire originelle, les fruits des Hylocereus
font l’objet de cueillettes traditionnelles et d’une consommation locale. Ces espèces ne sont que très rarement cultivées à grande échelle, hormis en Colombie, au Costa Rica et au Nicaragua. Au Vietnam, H. undatus
, a par contre connu un réel développement : près de 2.000 ha y sont cultivés. Ailleurs, les pitayas sont considérées comme des espèces fruitières nouvelles prometteuses et sont cultivées à plus ou moins grande échelle comme en Australie, en Israël ou encore à Réunion ( la pitahaya à la Réunion
).
La rusticité des Hylocereus
leur permet de prospérer dans des écologies très diverses. Par exemple, au Mexique, elles se rencontrent dans des régions à pluviométrie extrêmes (340 à 3500 mm/an) ou encore à des altitudes allant du niveau de la mer jusqu’à 2.750 m. Ces espèces peuvent supporter de fortes chaleurs, allant jusqu’à 38-40 °C ; a contrario des températures inférieures à 12°C peuvent provoquer des nécroses sur tige chez certaines espèces. Même si les Hylocereus
sont semi-épiphytes et préfèrent donc, à priori, des conditions de culture semi-ombragée (conditions fournies dans la nature par les arbres), certaines espèces peuvent croître parfaitement en plein soleil ( H. undatus, H. costaricensis
ou H. purpusii
par exemple). Cependant, un ensoleillement trop important et une alimentation en eau insuffisante provoquent des brûlures de tiges. Par exemple, en Israël les conditions de croissance optimale sont obtenues sous ombrière à 30 % d’ombrage, autre exemple, aux Antilles, la culture d’ H. trigonus
n’est possible qu’avec un ombrage de l’ordre de 50%. L’eau en excès provoque systématiquement la chute des fleurs et des jeunes fruits. Les Hylocereus
peuvent s’adapter à de nombreux types de sols pourvus qu’ils soient drainants.
Les Hylocereus
fleurissent par vagues successives de floraison, sur la période floraison annuelle (de mai à septembre dans l'hémisphère nord et d'octobre à juin dans l'hémisphère sud), H. costaricensis
peut compter jusqu'à 8 vagues de floraisons contre 5 à 6 pour H. undatus
. Trois à quatre semaines sont observées entre deux vagues de floraison. Il est de ce fait possible de rencontrer, sur une même plante et en même temps, des boutons floraux, des fleurs, des jeunes fruits ou encore même des fruits matures. Les délais entre l’apparition du bouton floral (soulèvement de l’aréole) et la floraison (phase I) et entre l’anthèse de la fleur et la récolte du fruit (phase II) sont très courts. Ils sont de l’ordre de 15 à 20 jours pour la phase I et de 30 jours pour la phase II.
Dans leurs pays d’origine, la reproduction des clones allogames de ces deux espèces est assurée la nuit par des chauves-souris pollinivores ou par des papillons de la famille des Sphingideae, espèces du genre Maduca.
Il ne semble pas y avoir de problème majeur de fructification dans les principaux pays producteurs (Amérique Latine et Asie).
La déhiscence des anthères a lieu quelques heures avant l’ouverture complète de la fleur. Les grains de pollen sont très nombreux, lourds et peu pulvérulents. La fleur s’ouvre vers 20:00/20:30, le stigmate domine alors les étamines (cette position du stigmate, durant cette phase, favorise plutôt l’allogamie). Les fleurs ne s’épanouissent qu’une seule fois et se referment (fécondées ou pas) pendant la matinée du lendemain de l’anthèse. Les jours suivants, les pétales se ramollissent puis se dessèchent progressivement. La base des fleurs non fécondées jaunit, la fleur entière chute 4 à 6 jours après ; tandis que la base des fleurs fécondées reste verte et augmente de volume : le fruit a noué.
Dans certains pays (Israël, Afrique du Sud, Madagascar, Réunion et Antilles), la production naturelle de fruit des clones introduits de ces deux espèces est quasi inexistante. L’auto incompatibilité des clones de ces deux espèces et/ou l’absence de pollinisateurs efficaces – des croisements entre ces deux espèces sont en effet possibles – semblent être responsables de cette improductivité. Les abeilles ( Apis mellifera
) sont tout de même très attirées par le pollen de ces fleurs. Les visites répétées de ces insectes peuvent contribuer à leur fécondation, cependant la qualité des fruits issus de ces pollinisations libres sont généralement de moindre qualité que ceux issus de pollinisations croisées manuelles. L’origine du pollen peut également influencer notablement le délai pollinisation/récolte du fruit (phénomène de metaxénie) observé à ce jour uniquement sur H. polyrhizus
).
H. undatus
and H. costaricensis
se multiplient naturellement et très facilement par bouture de tiges dès que ces dernières touchent le sol. Le semi de graines et la multiplication de jeunes pousses in vitro sont également possibles.
Cependant, en culture, la multiplication par bouturage est à préférer. En effet, elle permet de multiplier fidèlement la variété. De plus, la mise à fruit des boutures est rapide, moins d’un an après le bouturage contre trois ans pour les plants issus de semis. Enfin, la rusticité de ces espèces permet de réaliser le bouturage directement en place, au champ ; à condition de prendre des boutures en repos végétatif d’au minimum 50-70 cm de longueur et d’assurer un arrosage régulier afin de permettre l’enracinement. Toutes ces conditions et caractéristiques réunies induisent de très bons taux de reprise au champ de l’ordre de 90 % des boutures. Les distances de plantation recommandées dépendent du type de tuteur choisi. En palissage vertical, des espacements de 2 à 3 m sur la ligne de plantation et de 4 à 5 m entre deux lignes sont requis (soit entre 2000 et 3750 boutures par ha, à raison de 3 boutures par tuteur). Les densités sur palissage horizontal et sur pan incliné sont beaucoup plus élevées puisque les boutures sont implantées tous les 50-75 cm autour de la table de production (6500 boutures par ha) ou tout du long du pan incliné (5000 boutures par ha). La hauteur de ces différents types de tuteur doit être comprise entre 1,40 m et 1,60 m pour le palissage vertical et entre 1 m et 1,20 m pour le palissage horizontal et la conduite sur pan incliné, ceci afin de faciliter les différentes opérations culturales.
Les pitayas sont des plantes semi-épiphytes, elles rampent, grimpent et s’accrochent naturellement à tous les types de support naturel ou artificiel qu’elles rencontrent (arbres, poteaux en bois ou en béton, murs de pierre, etc.). Elles s’accrochent à ces derniers grâce à leurs racines aériennes. Leur exploitation à même le sol n’est pas souhaitable, d’une part parce que cela ne facilite pas les opérations culturales minimales (fécondation, récolte…) et d’autre part, parce que les contacts avec le sol entraînent des pourritures de lianes. Les pitayas sont donc cultivées sur tuteurs vivants ou morts. De nombreux types de palissage sont utilisés, nous retiendrons le palissage vertical sur poteaux de bois, de béton ou en fer et le palissage horizontal (table de récolte) ou sur pan incliné. La croissance de la plante est rapide et continuelle avec cependant une phase de repos végétatif possible si les conditions climatiques sont défavorables (sécheresse marquée et températures trop basses). La taille de formation des plants est primordiale sur les systèmes de palissage vertical et horizontal, et consiste à sélectionner les tiges au fur et à mesure de leur croissance en forçant la plante à grimper le long du tuteur. Toutes les croissances latérales et dirigées vers le sol sont coupées, tandis que sur le système « pan incliné » toutes les ramifications sont gardées (hormis celles qui touchent le sol). Ces tailles de formation se pratiquent essentiellement la première année suivant la plantation. Quel que soit le tuteur utilisé les tiges doivent être attachées à ce dernier à l’aide d’un lien. La taille d’entretien a pour but de limiter la croissance de la touffe ; et ce dès la deuxième année suivant la plantation. En effet, cette taille est plutôt raisonnée par rapport au tuteur et à sa résistance. A titre indicatif le volume végétal d’une touffe de 3 ans pèse environ 70 kg . Même si ce poids est facilement porté par les différents types de tuteur, l’avenir de ces touffes, face à des vents plus ou moins violents, est incertain. La taille consiste donc à supprimer toutes les tiges abîmées de la plante et celles qui se croisent. Cette taille, pratiquée après la récolte, favorise la croissance de nouvelles pousses qui porteront les fleurs de l’année suivante.
Les rendements varient également en fonction de la fumure apportée. Le système racinaire des pitayas est superficiel et peut assimiler rapidement le moindre apport. Les fumures minérales et organiques lui sont particulièrement bénéfiques ; associées, leur effet n’en est que plus intéressant. Même si les pitayas peuvent se contenter d’une pluviométrie très faible – elles peuvent en effet survivre après plusieurs mois de sècheresse – leur exploitation à des fins de production de fruits de qualité impose des apports d’eau réguliers. Cette irrigation est importante car elle permet à la plante d’avoir suffisamment de réserves d’une part pour fleurir dès le moment propice et d’autre part pour assurer le développement de ses fruits. Une micro-irrigation localisée est toute indiquée. Outre l’efficience de l’eau fournie par ce système, cette micro-irrigation évite un arrosage de la frondaison pouvant entraîner des chutes de fleurs et de jeunes fruits.
Le manque de diversité génétique et/ou l’absence d’agents pollinisateurs dans certaines zones de production imposent d’avoir recours à une pollinisation manuelle et croisée pour s’assurer d’une production de fruit ( la pollinisation des pitahayas
). Sa pratique est simple et facilitée par les caractéristiques florales des Hylocereus
. En effet, les différentes pièces florales sont de grandes dimensions. De plus, à l’anthèse, le stigmate de la fleur domine largement les étamines favorisant ainsi les manipulations. Enfin, la pollinisation manuelle peut être pratiquée avant l’anthèse de la fleur (dès 16:30) et jusqu’au lendemain matin 11:00. Ces manipulations sont fiables et les fruits obtenus d’excellente qualité.
Pour pratiquer cette pollinisation, il suffit d’ouvrir la fleur en la pinçant sur sa partie la plus bombée, ce qui met le stigmate en évidence. Ce dernier est alors badigeonné de pollen à l’aide d’un pinceau ; ou bien encore les anthères sont déposées entières (avec une légère pression) sur le stigmate à l’aide des doigts. Le pollen est préalablement prélevé dans une autre fleur d’un autre clone (ou d’une autre espèce) et stocké, pour les besoins des manipulations, dans une boîte. Le pollen prélevé dans deux fleurs permet d’en féconder environ 100 (pollinisations effectuées au pinceau). Le pollen peut être conservé plusieurs mois (de 3 à 9) à des températures négatives (de –18 à – 196°C), sans que sa viabilité soit compromise. Les fruits obtenus avec des pollinisations à base de pollen conservé à 4°C pendant 3 et 9 mois sont par contre plus petits.
La coloration de la peau du fruit n’intervient que très tardivement dans sa phase de maturation puisque, selon les espèces, l’épiderme passe du vert au rouge ou rose qu’au 25 ou 27ième jours après l’anthèse. Quatre à cinq jours après, les fruits ont atteint le maximum de leur coloration. Passé ce stade, les fruits d’ H. costaricensis éclatent sans que cela entraîne pour autant une pourriture. Les premières récoltes apparaissent dès 18 mois après le bouturage en place - le délai floraison / récolte est court et faiblement variable. Il est de 29 à 35 jours suivant les écologies. Les rendements dépendent de la densité de plantation et sont de l’ordre de 10 à 30 t/ha. L’absence de pédoncule rend la cueillette délicate. Les techniques courantes de récolte par simple torsion du fruit conduisent bien souvent à une blessure de l’épiderme du fruit. La récolte s’opère donc au sécateur. Les fruits sont peu fragiles. Cependant, pour garantir un produit de haute qualité les précautions d’usages pour la récolte sont à observer (manipulation soignée, conditionnement, stockage…) ; notamment pour la pitaya rouge dont les écailles foliacées sont cassantes.
Peu de ravageurs sont signalés sur les Hylocereus . Les fourmis des genres Atta et Solenopsis provoquent de gros dégâts aussi bien sur la plante que sur les fleurs ou les fruits. Cotinus mutabilis perfore les tiges et Leptoglossus zonatus pompe la sève des tiges provoquant des tâches et des déformations. Différentes espèces de pucerons et de cochenilles ont également été répertoriées sur fleurs et fruits. Les rats et les oiseaux peuvent provoquer des dommages importants, les premiers sur fleurs et sur fruits ; les seconds sur fruits à maturité. L’activité butineuse des abeilles ( Apis mellifera ) gêne et peut même compromettre la pratique de la pollinisation manuelle lorsque cette dernière est obligatoire (dans le cas des clones auto incompatibles par exemple). En effet, les abeilles peuvent être particulièrement efficaces puisque après quelques heures d’activités seulement tout le pollen est récolté. La parade est de prélever du pollen avant leur passage (dès 16:00) et de pratiquer les pollinisations le lendemain matin dès qu’elles ont déserté la plantation. Diverses maladies fongiques ( Gloeosporium agaves, Macssonina agaves, Dothiorella sp. et Botryosphaeria dothidea ) virales (Cactus virus X) ou bactériennes ( Xanthomonas sp.) sont également rapportées dans la littérature et peuvent avoir localement de graves conséquences.
Fiche rédigée par Fabrice Le Bellec - http://agents.cirad.fr/index.php/Fabrice+LE+BELLEC
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